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Fermeture exceptionnelle du musée Fournaise pour travaux jusqu'au printemps 2025. 

Rencontre avec Gloria Groom

Courant septembre 2022, Gloria Groom honorait de sa présence l’anniversaire des 40 ans de l’association des Amis de la Maison Fournaise. L’occasion d’interroger cette grande dame du monde de l’art sur la place
de Chatou dans l’iconographie impressionniste et sur la nature des liens particuliers entre les États-Unis et la France. 

Publié le 16 December 2022

Que représente pour vous Chatou et le hameau Fournaise, ce site préservé de l’époque impressionniste ?

Pour les Américains, mais je pense aussi pour les Français, à Chatou – comme à Giverny, et dans tous les sites emblématiques qui sont marqués du sceau de grands artistes – c’est une magie qui opère ! On aime y venir flâner et se plonger là où une partie de l’histoire de la peinture s’est créée. Voir le site que Renoir, Manet, Monet et tant d’autres ont contemplé est très important. Car comme eux, on voit ce qu’ils ont vu. C’est comme une connexion avec l’histoire. C’est essentiel pour Chatou d’avoir su conserver un peu de cet esprit là, car c’est précisément ce que recherche les amoureux de la peinture.

Est-ce la raison pour laquelle, selon vous, les américains sont si attachés à venir sur les bords de Seine ?

Absolument ! La France représente tout ce qui a enraciné l’histoire des Etats-Unis, c’est pourquoi nous avons des liens si forts. Les américains adorent Paris. Mon rôle, notamment dans le cadre de mes conférences, est de les inviter à sortir du cadre, à prendre un train et avec un esprit aventureux à venir ici découvrir ces terres qui ont fait l’impressionnisme.

 

Les Amis de la Maison Fournaise font un travail formidable depuis 40 ans pour le rayonnement de l’Impressionnisme, des artistes – dont Renoir – et de cette maison qui a fait la renommée du site. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Marie-Christine Davy, sa présidente, et l’ensemble des bénévoles de l’association, font un travail à la fois incroyable et indispensable pour assurer la sauvegarde du hameau Fournaise et la mise en scène des lieux. Je suis étonnée de voir les expertises qu’il peut y avoir au sein de ce groupe qui défend avec passion ce musée qui fait la grandeur de Chatou.

Lorsque l’on parle « Art », on parle conservation des œuvres mais également transmission du savoir. Comment appréhendez-vous ce sujet ?

Lorsque je présente une exposition, j’associe toujours les œuvres à des objets intimes des artistes qui les ont peint, afin, au-delà de la technique, d’incarner leur art.
Cela facilite l’approche artistique et contribue à une meilleure compréhension. Il faut également savoir utiliser les outils que nous offrent aujourd’hui les nouvelles technologies. Elles nous permettent notamment de voir les choses bouger. L’Art n’est pas mort et il faut savoir montrer, particulièrement aux jeunes, qu’il est vivant et toujours actuel.

Quel regard portez-vous sur ce mode d’expression ? 

Les Impressionnistes à l’époque ont bousculé les choses. Ils ont formé une bande d’individus qui ne pensaient jamais être là où ils sont aujourd’hui. Et le Street Art suit le même chemin. Il est fort à parier que dans 100 ans on verra du Street Art dans les collections des musées. D’ailleurs certains artistes sont déjà collectionnés. D’autant que, comme les Impressionnistes, les muralistes aujourd’hui peignent des paysages, mais également la vie sociale. C’est en cela que l’Impressionnisme par son aspect « révolutionnaire » est toujours d’actualité. 

Vous êtes diplômée de l’Université d’Oklahoma, de l’Université du Texas et de l’École du Louvre. Comment ce double cursus vous a-t-il enrichi ?

L’Ecole du Louvre forme de futurs conservateurs. Lorsque j’y étais je n’étais là que pour apprendre sans compétition et ce fut un temps formidable. L’enseignement que j’ai reçu alors, m’a beaucoup aidé à Chicago par la suite. Car en France, à la différence des Etats-Unis souvent, on n’étudie pas l’art pour l’art mais il est replacé dans son contexte social et politique. C’est pourquoi l’Ecole du Louvre est une référence essentielle pour toute personne qui souhaite faire carrière dans ce domaine.

Les impressionnistes ont-ils  livré tous leurs secrets ?

Oh non ! Nous avons encore des choses à découvrir. Les impressionnistes nous ont offert la possibilité de ressentir des choses sans cesse renouvelées. Par ailleurs, les nouvelles technologies nous permettent de voir les tableaux différemment et de mieux comprendre par exemple comment un tableau est devenu un tableau. Donc oui, il y a encore des choses à découvrir !

Pour conclure notre échange, pouvez-vous nous dire ce qui vous touche ?

Après la crise sanitaire liée au covid, j’avais soif d’être parmi les gens. Et lorsque le public a pu à nouveau arpenter les allées des musées, j’ai été particulièrement émue. En effet les visiteurs venaient pour revoir et être proche de la beauté. Cette sincérité de la rencontre est un souvenir fort qui a conforté, s’il était besoin, mon engagement à défendre l’art et à faire naître des émotions à travers lui.

 

Propos recueillis par Christophe Ragué

NOTE BIOGRAPHIQUE

Gloria Groom est spécialiste de peinture impressionniste et post-impressionniste française notamment de Pierre Bonnard et Édouard Vuillard. Entrée en 1984 à l’Art Institute de Chicago en tant qu’assistante de recherche,
elle devient la même année conservateur adjointe des peintures européennes.
En 1988, elle est nommée conservateur de ce département, puis en 2013, conservateur en Chef du département de peinture et sculpture européenne.